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Artistes et collaborations avec les marques

Depuis que le street art est apparu, il n’a cessé de fasciner, d'interroger, et parfois de choquer. L'opinion publique était quelque peu ambivalente, ne sachant pas trop comment appréhender ce nouveau mouvement. Était-ce un véritable mouvement artistique ou du pur vandalisme ? Dans les années 90, face à l'ampleur du mouvement, la position neutre n'était plus possible. En particulier, les marques, représentatives du capitalisme, étaient confrontées à un choix : légitimer ce mouvement ou l'ignorer. Manifestement, vu l'engouement du public pour le street art, de nombreuses marques ont choisi d'intégrer cette esthétique à leur marketing et stratégie de communication.


Collaboration Ben Eine x Zippo

Lien du making of ici


Le street art, par essence, est une activité rebelle, hors norme, exprimant une liberté. La collaboration entre artistes et marques soulève des questions. En effet, pour des raisons commerciales, les marques pourraient imposer une ligne directrice aux artistes, mettant en péril leur liberté créatrice. Cependant, collaborer avec des marques offre de nombreux avantages pour les artistes.

Collaboration KAWS x NIKE

Le premier avantage est évidemment la monétisation de leur art, que ce soit via la création d'une campagne publicitaire ou d’une identité visuelle. Beaucoup d'artistes ont déclaré que ces collaborations étaient plus lucratives que les ventes en galerie, en particulier pour les jeunes artistes émergents qui peinent à accéder aux galeries, de plus en plus sélectives.


La notoriété est également un avantage non négligeable. En street art, la recherche de notoriété (d'abord auprès des pairs, puis du grand public) est à la base de la discipline : il s’agit d’être partout et d’avoir un style reconnu de tous, mais cela ne rapporte rien sinon la gloire. Dans le monde artistique, la reconnaissance est essentielle pour espérer en vivre. L'exemple de l'artiste AKET avec Coca-Cola en 2023 illustre bien cela : suite à cette collaboration, sa cote a quadruplé. La présence de sa signature sur des produits divers et variés, potentiellement distribués dans le monde entier, permet de démultiplier sa célébrité. Collaborer avec une marque signifie donc la reconnaissance de son travail, c’est l’avènement par le monde commercial.

Divine Idylle, AKET, l'oeuvre utilisée par Coca Cola pour l'un de ses spots publicitaires

La vidéo du spot publicitaire ici.


Cependant, la collaboration entre marques et artistes de street art n'est pas sans problèmes. Pour qu'une collaboration soit fructueuse, l'expression artistique de l'artiste doit souvent s'aligner sur la direction artistique de la marque, imposant ainsi des contraintes à l'artiste. Même si cela peut aller à l'encontre de l'idéal de liberté associé au street art, la collaboration peut être porteuse de nouvelles sources d’inspiration ou de créativité. En effet, la création peut s’épanouir dans la contrainte : cette dernière impose à l’artiste de trouver de nouvelles façons de faire, de nouvelles méthodes en fonction des directives qui lui sont données.

Collaboration JonOne x Guerlain

Pour autant, certains artistes, comme KAWS, Jeff Koons ou JonOne,sont devenus de véritables "artistes commerciaux", omniprésents et au service de diverses marques. Voulant bénéficier de leur notoriété existante, les marques (souvent de luxe) ont fait appel à leurs services pour redynamiser leur image. Cependant, comme l’a montré la collaboration entre KAWS et DIOR, il ne reste plus grand chose de l’esprit rebelle lorsqu’une marque de luxe engage un street artiste. Même la collaboration entre JonOne et Guerlain peut paraître décevante. La marque avait demandé à l’artiste de réinterpréter ses parfums, ce qui a donné des flacons certes jolis et colorés, mais très éloignés des graffitis des débuts de JonOne. C’est peut-être l’une des objections que pourraient nous faire ces artistes : ayant fait leurs preuves dans la rue, ils se sont tournés vers le travail commercial pour vivre de leur art et ils n’ont plus à démontrer leur appartenance à ce mouvement. L’âge aidant, les artistes ont peut-être aussi tendance à s’assagir et à rentrer dans la norme ?


Collaboration Kaws x Dior

Enfin, on peut se poser la question du reliquat de la philosophie street art lorsque le rubicon de la collaboration est franchi. Même si les marques offrent des opportunités aux artistes de street art, cela soulève la question de la nature du street art lui-même. Est-ce toujours un véritable mouvement artistique ou simplement un moyen d'attirer l'attention? À l'origine, le street art était une discipline gratuite, avec un idéal d'accès à l'art pour tous. Mais la réalité économique pousse certains artistes à commercialiser leur art, parfois au détriment des principes fondamentaux du mouvement.


Pour finir sur une note positive, l'une des collaborations qui me semble les plus réussies, impliquant une marque de luxe, est celle entre Cyril Kongo et Hermès, pour laquelle l'artiste a réinterprété avec son univers le fameux carré : à la fois le support était bien choisi, et l'artiste semble avoir eu un bel espace d'expression pour retranscrire son univers artistique.

Collaboration Kongo x Hermès




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