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Docteur Bergman


Discussion avec Docteur Bergman, qui nous invite à faire le lien entre la science et l'art.



(c) Docteur Bergman


Sur ton site on apprend que tu as fait une thèse de biochimie et biologie moléculaire, puis que tu t’es “naturellement” tourné vers le pochoir. C’est si naturel que ça ?

Justement c’est pas du tout naturel ! Après ma thèse, je n’ai pas eu de réponses à mes demandes de travail, pour passer le temps je me suis mis à faire du pochoir.


Ça a commencé avec un type qui me devait de l’argent et qui ne me l’a jamais rendu d’ailleurs. J’ai cherché le moyen de reproduire partout autour de chez lui une image de carotte et je suis tombé sur la technique du pochoir. J'ai commencé par couper quelques portraits monocouche de proches et j’ai commencé à semer des araignées au hasard de mes promenades de chiens pour faire peur aux gens. L'invasion arachnide a alors commencé en 2012 (the end of the world) et l'araignée (dont je suis modérément phobique) est devenue mon totem. J'en ai fait une centaine à New York l'été 2019.


À la base, j’ai commencé le pochoir vraiment pour m’occuper et avoir quelque chose à faire, mais je crois que les choses n’arrivent pas par hasard. Le Tom en question, il a beau m’avoir carotte, au final il m’a rendu un service en un sens.


Comment tu as évolué dans ta pratique du pochoir ?

Au début je peignais des pochoirs avec une seule couche (une couleur de pochoirs) et qui me représentait, moi ou ma famille, ma copine, des gens que je côtoie.


Et puis je me suis rendu compte que je pouvais multiplier les layers. En fait, on peut faire peu de couches et beaucoup de détails ou beaucoup de couches et moins de détails par couche. Je fais un mix, multi-couches, détaillées. Les découpes pour un pochoir peuvent aller jusqu'à plusieurs semaines...


La colombe et le flic nain (c) Docteur Bergman


La science, c’est le rationnel, alors que l’art, c’est généralement plutôt synonyme de passions, d’’instinct, la transition a été facile à faire ?

Je trouve ça assez complémentaire. On est toujours dans le domaine de la recherche.


Quand je fais une exposition, c’est un peu comme quand j’ai passé ma thèse ! Tu présentes le résultat d’un travail acharné et puis tu es jugé dessus. Lors du vernissage, tu es soumis à une session de questions et il faut que tu expliques ce que tu as fait et pourquoi. C’est stressant, mais quand on en est là c’est qu’on a fait le plus dur ... il y a rarement des questions pièges, il y a beaucoup de bienveillance de la part du public. Comme le jury de thèse !


L’autre similitude que je vois, c’est que dans la science comme dans la peinture, on choisit son angle, il y a plein de paramètres. Quand tu peins une composition et que tu vois les likes que ça génère sur les réseaux, c’est intéressant. Tu vois, bizarrement mes peintures avec des coronavirus ont moins bien marché que le reste. Déjà l’idée de l’araignée comme emblème c’était pas ouf, il y a plein de gens arachnophobes ...


Les gens surtout en ce moment, ils ne veulent pas de l’anxiogène, je les comprends. En revanche, je ne suis pas contre de garder un peu les toiles que je fais en ce moment avec les motifs de coronavirus. Je suis sûr qu’elles vont se bonifier, que d’ici quelques temps, les gens auront une certaine nostalgie de cette période.


Enfin, il y a le côté expérimentation dans l’art comme en science.


Urbex alley (c) Docteur Bergman


Tu as des thèmes de prédilection quand tu peins ?

Tout ce qui a trait à l’actualité, j’aime bien.


J’ai fait des pochoirs de keufs et de colombes, mais au lieu que la police tire sur les colombes, ils se font ch** dessus. J'oppose les gardiens de la paix (colombes) aux forces de l'ordre (keufs). Le sort réservé aux animaux sur cette planète humaine est un thème auquel je suis particulièrement attaché.


Bon, en général, ce sont des thèmes pas très drôles mais j’essaie de les rendre amusants à ma façon.


Et travailler dans la rue, c’est important pour toi ?

La rue c’est surtout pour exister en tant qu’artiste. Il suffit de rien faire pendant trois mois et on se demande où tu es passé.


Au niveau du travail, je peins en avance sur du papier fin que je colle ensuite dans la rue. Préparer les peintures à l’atelier, c’est plus pratique. Le problème du pochoir c’est qu’il faut se le transporter, ça prend du temps si tu veux laisser sécher les couches entre elles et en plus il y a le problème des bombes. Ça pèse lourd et c’est ça que les flics regardent. Trois fois je me suis fait prendre en train de coller, ils m’ont demandé si j’avais une bombe et comme j’en avais pas ils m’ont laissé tranquille.


Les réseaux sociaux sont très importants aussi, tout est lié. Il y a tout intérêt à coller son travail dans la rue, les passants peuvent le prendre en photo et le partager. Parfois, je colle une peinture, je la poste sur les réseaux et dans la journée il y a des gens qui sont déjà allés voir pour la photographier. Je ne suis pas très réseaux sociaux mais il faut les utiliser pour ne pas se faire oublier.


Les réseaux sociaux fonctionnent bien pour les artistes ?

Ils fonctionnent bien. Ils me permettent de faire savoir aux gens qu’ils peuvent passer à l’atelier, qu’ils peuvent me passer commande en direct. Mais bon il faudrait être encore plus explicite dans le côté commercial, pour l’instant je suis dans l’art pur, dans l’expression de ce que je veux.


Tu as des projets en tête ?

Oui, j’aimerais bien utiliser mes matrices de pochoirs pour en faire quelque chose. J'ai en outre l'intention de faire du pochoir augmenté, à savoir ajouter du dessin dans un décor poché. Je souhaite aussi m'orienter vers la réalisation de fresques en utilisant la projection de mes pochoirs.

En dessin pur, je colle des stickers de petits dialogues pleins de haine que je signe FuckThatShit.



Urbex (c) Docteur Bergman


Docteur Bergman à la loupe


L'œuvre dont tu es le plus fier ?

C’est un pochoir que j’ai fait à partir d’une photo prise lors d’un urbex en Italie. Je l’aime bien parce que c’est ma photo, donc tout est de mon fait. J’aime bien aussi mon “Paris Virus”, qui sera l’illustration du mois de mars du calendrier que je vais bientôt sortir.


L’artiste vivant qui t’inspire le plus ?

Je dirais Banksy pour l'aspect aussi pertinent que grinçant et Dran, parce que je suis juste fan de son travail.



Vade retro Coronas (c) Docteur Bergman

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