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Qu'a-t-on appris de la dernière vente d'art urbain Digard ?

Je ne prétends pas connaitre parfaitement le fonctionnement des enchères, et j'imagine que j'interprète mal certaines choses, mais j'ai trouvé intéressant de relever quelques informations de l'observation de cette vente, qui s'est tenue le mardi 12 décembre dernier (oui, j'ai regardé cette vente aux enchères parce que je suis curieux et que j'avais du temps). A toutes fins utiles, je précise bien sûr que mon propos n'est pas de critiquer quoi ou qui que ce soit mais bien de livrer mes réflexions sur le monde de l'art urbain contemporain.



La première observation se fait à la lecture du catalogue. Il s'agit d'une belle vente, puisque des beaux noms du street art (Futura2000, Invader, Jef Aerosol, Crash, Quik, Bom.K, ...) cotoient des artistes moins souvent mis en avant (Fafi, Cinz, Junky, SINO ... en tout cas je ne les connaissais pas de mon côté). La maison propose également des artistes peu fréquents en salle des enchères et difficiles à trouver sur le marché (Blu, Dondi, Faith47, ...). Bref, c'est une vente intéressante pour tout amateur de street art si l'on s'en tient au line up, et les estimations semblent relativement raisonnables et alignées avec les cotes constatées par ailleurs.


Ensuite, j'ai constaté que malgré les noms des artistes, j'étais globalement et à quelques exceptions près plutôt déçu de la qualité et de l'originalité des oeuvres. On pourra bien sûr me renvoyer à mes goûts et mes couleurs, mais je trouve que l'on voit toujours peu ou prou les mêmes choses. Que ce soit dans les ventes ou, pire encore, les foires d'art urbain, on se retrouve avec les mêmes artistes exploités à l'extrême, qui eux-mêmes proposent des oeuvres dans la droite lignée de ce qui a déjà fait leur succès. Certes, la facilité d'être reconnu rapidement est une qualité essentielle des street artistes, mais cela implique aussi une répétition dans les oeuvres, une créativité qui peine à se renouveler. Peut-être la créativité dans le street art réside-t-elle avant tout dans la découverte de son style ? Pour nombre d'artistes en tout cas, la méthode gagnante est répétée à l'envi, pour minimiser la prise de risques. Rares sont les artistes qui arrivent à mon sens à se renouveler et à proposer de nouvelles choses tout en restant fidèle à leur identité artistique ; les pièces de VHILS, BRUSK et JONONE sont à ce titre exemplaires de créativité.


En ce qui concerne les prix d'adjudication, j'ai été étonné de voir que les oeuvres étaient adjugées quasi-systématiquement à un prix inférieur à l'estimation, ou proche de l'estimation la plus basse. Bien sûr, il faut regarder les montants en valeur absolue (le Banksy part certes sous l'estimation, mais à 280.000€ ...). Qu'en penser ? Les acheteurs ne semblent pas prêts à mettre autant que le prix estimé par le marché. Des sommes importantes sont pourtant dépensées pour certaines pièces, souvent sur des artistes connus et déjà cotés. Pour moi, deux hypothèses tiennent la corde : la première est que le marché de l'art urbain serait en train de se corriger et normaliser par rapport à l'euphorie des années passées, la deuxième que les acheteurs n'achètent pas par coup de coeur ou par sensibilité.


La première hypothèse se vérfiera avec le temps. Depuis quelques années que le street art est à la mode cependant, les cotes sont en train d'atteindre un pallier et peu d'artistes voient leur prix s'envoler. La seconde hypothèse me semble quant à elle confirmer l'observation selon laquelle on assiste à une standardisation des oeuvres, un effet "waouh" qui se perd ... et qu'on achète des signatures plus que des oeuvres coup de coeur. Je ne connais pas le profil des acheteurs, mais si je devais l'imaginer, je miserais sur des profils d'investisseurs et / ou des acheteurs pour compte d'entreprise en vue de défiscaliser.


Il était en tout cas très intéressant d'observer la vente et de voir comment elle s'est déroulée - cela appelle beaucoup de questions sur l'avenir de l'art urbain ...

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